Lever
6h45, petit-déjeuner à 7h00. Nous sommes “accueillis” dans le
réfectoire par un sosie du capitaine crochet, le bandeau en moins,
laissant apparaître un oeil glauque, vitreux... Est-ce l’hospitalier ?,
je ne saurais le dire, mais il se définit lui-même comme
“garde-chiourme”, rôle qu’il prend très à coeur, voulant absolument
asseoir son pouvoir temporaire en installant les personnes là où il l’a
décidé. Et les pauvres qui ne suivent pas les ordres du capitaine des
lieux sont arraisonnés, comme ce pauvre iranien qui osa remplir, Oh
malheur à lui, sa “cup thermos” de café. C’est sûr, hospitalier est un
métier à ne pas mettre dans toutes les mains, même bénévoles. Et j’ai
des sueurs froides quand il m’annonce que plus tard dans la journée, il
risque d’être dans la montagne où, souvent, il récupère les randonneurs
égarés… Je ne m’attarde pas, il est temps de lever l’ancre...
Départ
7h30. Le temps est doux et je retire des couches. C’est en chemise que
je gravis la montagne malgré le vent et la bruine qui se renforcent au
fur et à mesure que défilent les 1200 mètres de dénivelés. Je retrouve
les atmosphères pyrénéennes ressenties à l’occasion de mes traversées
pyrénéennes par les GR 10 et GR 11 il y a quelques années. La bruine
recouvre les paysages et, l’espace d’un instant, se lève pour laisser
apparaître des fenêtres ensoleillées. Et quand l’odeur des crottes de
moutons montent à mes narines, elles agissent comme des madeleines de
Proust en me replongeant de manière très réaliste dans les souvenirs de
sentiers poussiéreux...
Les
sonnailles des cloches des moutons et des vaches que je distingue à
peine, perdus dans le brouillard, rythment mes pas… 15 km après
Saint-Jean-Pied-de-Port (1,5 km avant l’Espagne), au détour du chemin,
un gars local se tient devant sa camionnette blanche. Il propose pour
quelques sous des victuailles et des boissons chaudes aux pèlerins
frigorifiés. Par ce froid amplifié par le vent, je ne sais pas qui de
moi ou de ce personnage est le plus courageux.
Le
chemin grimpe encore, toujours plus haut, en direction de la frontière
dont on ne sait trop où elle se situe… Tout à coup, apparaît un chien
devant un berger encore bien alerte malgré son âge; Tous deux grimpent
la pente de la montagne couverte de hêtres. “Vous avez un beau pays”, lui dis-je, en face du superbe paysage que découvre par moment la brume. “Saint-Jacques ?”, me demande-t-il ? Je me surprends à lui dire “Avec l’aide de Dieu”, moi, mécréant sur ce chemin de foi…
5
km avant Roncevaux (Roncesvalles), j'atteins un minuscule refuge de
montagne équipé de deux bas-flancs. Le ventre vide, je le considère
comme une étape bienvenue pour faire une pause pique-nique à l’abri du
vent. Les 3 ou 4 derniers kilomètres en descente raide sont plus
délicats pour les genoux que la vingtaine qui précédaient en montée. Mes
bâtons de randonnée se révèlent une aide précieuse…
14h00, j’arrive à Roncesvalles
accueilli par une poignée d’hospitaliers hollandais à l’accent bien
tranché. Le temps de payer ma nuit (10 €), de m’installer et de prendre
une douche revigorante, je me mets en quête du bar-restaurant pour
réserver le menu du soir, avant de “m’en jeter une” et de rédiger mes
notes. Moments de repos savoureux...
De
retour à l’Auberge, j’ai juste le temps de poster quelques photos sur
Facebook et de me reposer. Arrive alors le Padre de la Collégiale qui
passe tout sourire entre les chambrées avec une bouteille de Patcharan
et quelques gobelets… Au moment de déguster ce breuvage divin, il nous
dévoile l’objet de sa venue : il propose à ceux qui le souhaitent une
visite de Roncesvalles. Voilà un saint homme qui sait comment parler aux
pèlerins ! Visite intéressante où on apprend notamment que l’église a
été doublée d’une structure extérieure, vu les conditions climatiques,
ce qui fait que les arcades à l’origine extérieures se retrouvent à
présent à l’intérieur.
Je
le sais, je le sens… Cette nuit je serai entouré de ronfleurs… C’est
une des “joies” du chemin mais l’expérience aidant je me suis équipé
d’une arme redoutable : les boules quiezz. Indispensables pour ne pas
enrager toute la nuit durant dans son lit et ne pas développer des
tendances meurtrières...
Bon à savoir :
- Pour les plus fatigués : possibilité de couper l’étape en deux, en faisant étape à l’auberge d’Orisson. Réservation souhaitable...
- Refuge de montagne 5 km avant Roncesvalles -> idéal pour pique-niquer par mauvais temps. Mais attention, espace très réduit, peu de place.
- Albergue de Roncesvalles. Prix : 10 €/nuit. Wifi.
- Menu de Peregrinos à 19h au bar-restaurant du coin (9 €). Testez la truite, car après vous n’en retrouverez plus.
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